Art
naturel ou artefact |
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La modestie nétant pas mon moindre défaut, je dirai pour commencer cette petite présentation de mes photographies, que je ne suis spécialiste de rien du tout. Même pas, et peut-être surtout pas, de photographie, je veux dire de la théorie photographique. Cela vaut peut-être mieux ainsi. On connaît lhistoire du mille-pattes, qui marchait très bien jusquau jour où il sest demandé par quelle patte il fallait commencer. Ce que je présente aujourdhui, ce nest donc pas un exposé savant sur la photographie ou sur lart. Je vais seulement mefforcer douvrir quelques pistes, qui, je lespère, contribueront à la réflexion menée depuis un certain temps par quelques-uns dentre nous autour de lidée dun art géopoétique. Mais tout dabord, la photographie est-elle un art? Gros débat, au sein même du monde de la photographie, et depuis longtemps. Questions, ai-je lu quelque part, dans une très sérieuse revue de photographie, «de délimitation et didentité». Décidément, la quête de lidentité sévit dans tous les domaines, et, partout, on na de cesse de dresser des frontières. Et lorsque la photographie, je cite, «dérive hors de ses frontières traditionnelles», se laisse «charmer par les sirènes du faire artistique», on parle d«emprunts» et de «compromis», et, horreur suprême, de «métissage des pratiques». Mais, comme cest là une question qui ne me préoccupe pas beaucoup, je vais laisser ce débat à ceux qui ont envie den débattre et parler dautre chose. Jaimerais introduire ce petit exposé par ces mots que nous livre Claude Lévi-Strauss dans Tristes tropiques: «Comme Benvenuto Cellini, envers qui jéprouve plus dinclination que je nen ai pour les maîtres du quattrocento, jaime errer sur la grève délaissée par la marée et suivre aux contours dune côte abrupte litinéraire quelle impose, en ramassant des cailloux percés, des coquillages dont lusure a réformé la géométrie, ou des racines de roseau figurant des chimères, et me faire un musée de tous ces débris: pour un bref instant, il ne le cède en rien à ceux où lon a assemblé des chefs-duvre; ces derniers proviennent dailleurs dun travail qui - pour avoir son siège dans lesprit et non au dehors - nest peut-être pas fondamentalement différent de celui à quoi la nature se complaît.» Je trouve là les pistes que je veux suivre: la grève, lil attentif aux formes naturelles, le rapprochement de la nature et de lart, la connivence de lhomme avec le monde. Le titre que jai donné à cette petite présentation: «Art naturel ou artefact» se voulait, bien sûr, un peu provocateur. Double paradoxe: art associé à nature, et même, peut-être, photographie comme artefact. Deux lectures également de cette question. Lune, théorique: la photographie, telle que je la pratique, est-elle enregistrement pur et simple du réel, ou uvre en soi? Lautre, dordre plus pratique et par laquelle je commencerai, car elle va me permettre de me présenter devant ceux qui ne connaissent pas mon travail: mes photographies sont-elles, comme me le demandent de nombreuses personnes, des clichés purs et simples dune image rencontrée ou y a-t-il intervention de ma part, fabrication, soit en amont de la prise de vue, par quelque dessin tracé sur le sol, quelque «amélioration», soit au moment même de la prise de vue, par lutilisation de filtres, soit en aval, par telle ou telle manipulation au laboratoire? Un jour, lors dune de mes expositions, quelquun ma dit en avoir fait trois fois le tour, chaque fois avec un regard différent. Tout dabord, il avait conclu que les photos avaient été fortement travaillées au tirage. Après en avoir posé la question à lami qui nous avait accueillies, moi et mes photos, dans son laboratoire, il apprit quil nen était rien. Il a donc fait un deuxième tour, en se disant, cette fois, que javais dû adroitement travailler le sable, dessiner et photographier le tout avec force filtres colorants. Il vint alors à moi pour me féliciter sur mes talents dartiste sur sable et, accessoirement, de photographe. Je lui ai alors précisé que je navais strictement rien fait, surtout pas, que je métais simplement contentée de cadrer, très vite souvent, car je photographie fréquemment les formes laissées par les vagues pendant le court moment de leur reflux, et dappuyer sur mon déclencheur. Fortement surpris, il a alors fait un troisième tour de salle et ma déclaré que ce nouveau regard surpassait tous les autres. Il était enthousiaste. Mais revenons aux questions plus théoriques. Parler dart naturel est évidemment une contradiction dans les termes. Roger Caillois, on le sait, grand amoureux des choses du monde, sest plu à la cultiver. «Jose avancer que les dessins et les teintes des ailes des papillons constituent leur peinture», déclare-t-il dans Méduse et Cie (1). Il avoue avoir conscience de «commettre un flagrant abus de langage», car, ajoute-t-il, «en elles, il y a dessin, mais non dessein.» Mais il revient sur le problème un peu plus loin pour demander: «Convient-il de parler dart? Au sens humain du terme, certainement pas.» Mais, dans un autre sens oui. Ailleurs, parlant des pierres: «Je préfère leurs dessins aux peintures des peintres, dit-il, leurs formes aux sculptures des sculpteurs, tant elles me paraissent les uvres dun artiste moins méritant mais plus infaillible queux». Et parlant des peintres contemporains, il déclare quils «se sont engagés dans une voie où il ne se peut pas quils ne se trouvent pas tôt ou tard confrontés à la plus redoutable concurrence: celle de la nature elle-même.» On pourrait aussi citer Bossuet: «Il y a tant dart dans la nature que lart même ne consiste quà la bien entendre.» Et la liste pourrait sallonger. «uvre dart, uvre de nature, la tentation soffre de dériver vers la conviction dun art de la nature», dit plus prudemment Yves Le Fur dans un catalogue accompagnant une exposition du musée Dapper (2), mais il ajoute aussitôt que lon aurait du mal à justifier cette conviction sans recourir à quelque prise de position métaphysique. On connaît, ou on peut imaginer, toutes les critiques, je dirais même les anathèmes, quune telle position, si éloignée de la pensée ambiante (il nexiste pas de beauté naturelle, mais seulement des attitudes culturelles face à la nature), peut soulever. Notre civilisation a mis lhomme au centre du monde et au-dessus du reste de «la création» et entend bien ly maintenir. Alain Roger (3), à la suite de Lalo et de quelques autres, soutient, lui, que la nature est «morte (sic), muette, anesthésiée, en dépit de son exubérance», quelle a besoin dêtre «artialisée» (cest lart et lui seul qui façonne notre regard, nous fournit un jugement esthétique) pour que naisse en nous un quelconque sentiment de la nature, esthétique sentend. Il sen prend tout particulièrement à Caillois, et dénonce son naturalisme (un naturalisme «qui na guère pour lui que les sarcasmes du bon sens», dit-il), et le prend en défaut avec des arguments, il est vrai, assez convaincants, car Caillois, du moins dans certains de ses textes, ne sest pas fait faute de faire largement appel à lart dans ses descriptions des pierres. Beaucoup trop, dailleurs, à mon goût. Mais Caillois, comme tous les esprits féconds, na pas de voie unique, et, sil est vrai que la nature vient avant lhomme, et que, selon lui, lhomme «prolonge la nature», limportant, cest la convergence: «les mêmes structures produisent ici le décor, ailleurs le pouvoir de lapprécier». Lhomme nimite pas la nature, il «accomplit, mais autrement, la même tâche». Quant au sentiment esthétique de la nature, lorsque, à lappui de sa thèse, Roger cite Lalo parlant de «la beauté anesthétique de la nature», quil commente comme cette «sensation de bien-être que nous éprouvons parfois au sein de la nature, mais qui na rien de proprement esthétique», et Cassirer: «Je peux traverser un paysage et être sensible à ses charmes. Je peux jouir de la clémence de lair, de la fraîcheur des prairies, de la diversité et de la gaieté des coloris, du parfum des fleurs. Mais ma disposition desprit peut alors connaître un changement soudain. Dès lors je vois le paysage avec un regard dartiste. Je commence à en former un tableau», on se demande si lesthétique, du moins cette esthétique-là, est finalement bien indispensable; et on pense encore à Caillois: «Je ne suis pas loin destimer superflu jusquau terme de beauté: il ny a que signes dintelligence entre êtres de même famille » Caillois parle dailleurs de moins en moins de beauté dans ses derniers livres. Je peux me tromper, mais je ne crois pas avoir vu le mot une seule fois dans son dernier livre posthume, Récurrences dérobées, dans lequel il poursuit plus loin encore sa thèse de la connivence. Et puis, qui sera surpris dapprendre, sous la plume dA. Dauzat, toujours cité par Roger, que: «Ces associations didées (lévocation dun tableau devant tel ou tel paysage), ces chocs en retour de la civilisation sur la nature et sur les sensations quelle nous procure, vont en saccroissant avec lintensité de la vie urbaine»? Jimagine que Caillois parle, lui, dun homme qui, dès son enfance, a établi une intime communication avec la nature. Cest sans doute ce rapport intime avec le monde que lon peut opposer à la thèse de Roger. Henry Moore nous livre ces réflexions(4) qui témoignent de lenrichissement que nous apporte le contact avec le réel: «Parfois je suis allé plusieurs années de suite à la même plage. Mais chaque année une nouvelle forme de galets attirait mon attention, forme que je navais guère vue auparavant quoiquelle fût présente par centaines. Parmi les millions de galets que je rencontre en marchant sur la plage, mes yeux choisissent de ne voir que ceux qui correspondent à mes intérêts formels du moment. Il se passe tout autre chose si je massieds et en examine une poignée un à un. Alors je peux étendre mon expérience formelle en donnant à mon esprit le temps de devenir sensible à une autre forme.» Ici, ce nest plus lesprit qui impose ses formes à la nature, mais bien le contraire. On pourrait sans peine multiplier les exemples. Mais plutôt que dopposer ces deux thèses, ne pourrait-t-on pas y voir plutôt les deux pôles dune dialectique, et penser que lesprit puisse être tour à tour influencé, configuré, plus ou moins consciemment, par les formes de la nature(5) et celles de lart? Et ne pourrait-on pas aller plus loin encore? À la recherche de cet autre rapport entre lesprit et la nature, lart et la nature, plus profond, plus troublant, de cette convergence qui intriguait Caillois, et quil a sans doute été le premier à désigner comme la connivence entre lhomme et la nature? (Là, il ny a plus de critiques de la part de nos esprits rationalistes, seulement des haussements dépaule.) Cest ce rapport qui me préoccupe depuis longtemps et qui est à la base même de ma recherche photographique. Jai dit que ma pratique photographique consistait à enregistrer purement et simplement ce que je trouve, je veux dire sans artifice autre que la nécessaire médiation dune optique (le plus souvent, celle que lon dit être la plus proche de la vision humaine, le 50 mm) et la chimie minimale qui intervient dans le développement et le tirage du film sensible. Est-ce que je ne fais donc quenregistrer des formes (les «uvres» de la nature), ou sagit-il dautre chose? Est-ce une simple reproduction, un simple reflet dun morceau de nature, ou un artefact, une uvre humaine à part entière? Lintérêt pour les objets naturels ne date pas dhier. On en constate la présence dans les fouilles préhistoriques, et il est intéressant de noter que la sensibilité aux formes pour elles-mêmes (ammonites, cristaux, formes étranges) a précédé la collecte dobjets plus figuratifs. Et jose croire que, lorsque aujourdhui nous nous penchons pour ramasser un galet ou un débris de bois flotté ou de racine sur un rivage, nous obéissons à la même motivation que lhomme préhistorique, notre intérêt soudain éveillé par une forme remarquable, insolite au milieu de ce qui lentoure, par sa différence, son harmonie, sa perfection, ou même encore sa grotesquerie, et que le geste de ramassage, geste dappropriation, de détournement, est déjà un geste esthétique, mieux même, peut-être un geste créateur. Lhomme, dit Caillois (encore lui, je ne le lâcherai pas de sitôt) «a plusieurs fois pressenti que nimporte quel objet pouvait devenir uvre dart par le seul fait quil le déclarait tel, cest-à-dire quil le choisissait, quil lisolait, quil lencadrait et éventuellement le signait [ ]. Voici mis au niveau de lacte même de créer, lacte seul de choisir [ ] une donnée procurée par la nature.» On sait quil pense, entre autres, aux pierres de rêve (ces «tableaux de la nature», comme il les appelle), ces plaques de marbre que les Chinois découpaient, polissaient, encadraient et signaient (y ajoutant souvent un court poème) et considéraient comme de véritables uvres dart, au même titre que les peintures. Déjà, on sest acheminé plus loin que la simple collecte avec mise en valeur évoquée plus haut. Il y a eu sélection, travail même (le découpage, le polissage), et intégration dans un ensemble cohérent, dans un contexte culturel. Aussi différente que puisse être une pierre dune photographie, les «pierres de rêve» offrent la plus étroite analogie que je puisse trouver avec mes photographies. Jy reviendrai. Et puis il y a Duchamp Je me souviens dun jour, dans lîle de la Dominique, aux Antilles, où Serge Goudin-Thébia, grand écumeur de rivages, avait rapporté deux magnifiques blocs de rocher, et, les ayant disposés lun sur lautre, me dit: «Regarde. Que veut-on de mieux? Ça, cest de lart. Il va falloir revoir Duchamp.» Propos auxquels Georges Amar fait un écho tout à fait inconscient lorsque, dans un très bel article (6), il propose (pensant à Cézanne qui voulait «refaire Poussin sur Nature») de «refaire Duchamp sur Nature», cest-à-dire d«élargir» laction de Duchamp, de «poser le monde comme ready-made, en conservant à ce concept toute son énigmatique subtilité, qui implique un renouvellement du voir et du faire.» Opposant laction créative humaine (lhomme ce «fauteur dinédit», nous souffle Caillois) au «ready-made», Amar distingue deux grands types dopérations: «celles qui consistent en lapplication dune force, celles qui consistent en une modification de contexte. Les premières conduisent à une création de forme, les secondes à une création de signification. Les premières produisent des transformations, les secondes des apparitions. Car on ne voit vraiment les choses que lorsque, tout en demeurant elles-mêmes, elles prennent une nouvelle signification.» Je ne peux mempêcher de voir dans ces lignes une merveilleuse apologie de la photographie. Car, quelle technique, autre que la photographie, ne crée aucune forme matérielle, nopère aucune transformation, permet aux choses de demeurer elles-mêmes, en leur propre lieu, mais, en prélevant, sans aucune interférence, son matériau utile, accomplit une «modification de contexte»? Seul opère le regard qui choisit, isole, donne sens, produit «lapparition». Et lorsquun peu plus loin dans le même texte, Amar propose «moins de créer que dapprendre à lire les tropes et la syntaxe dun langage physique à même lapparence des choses», il me semble lire là une description exacte de ce que je fais lorsque je me promène sur les rivages, lil aux aguets, à une nuance près, cest que je dirais que le langage qui mintéresse nest pas seulement physique, que cest un langage commun, un langage à deux voix, le monde, comme jaime à le dire, fournissant les mots, et moi la syntaxe. Cest exactement ce que je trouve dans les pierres de rêve. Pourquoi cette fascination pour des objets naturels qui précisément nous donnent lillusion davoir été façonnés par une main humaine (à moins que lon ny voie une main divine!)? Je répondrai pour ma part, que cest peut-être parce que jy vois le point de rencontre entre lhomme et la matière, lhumain et le non humain. Dailleurs, pour les Chinois, le fait quelles naient pas été créées par la main humaine navait certainement aucune importance. Pendant des siècles, ils ont peint des paysages, représenté le monde. Représenté? Pas exactement. Car lhomme est partie intégrante de lunivers et sefforce, par la méditation, mais aussi par la peinture, de rester en étroite communion avec lui. En peignant, il recrée le monde: «Lactivité du peintre nest pas dimiter le donné divers de la Création, mais de reproduire lacte même par lequel la Nature crée. La création picturale est un processus identique à celui de la création de lUnivers», nous dit Ryckmans (7). Et le paysage peint représente le cosmos tout entier. Pour réaliser une bonne peinture, pour que les souffles vitaux y circulent, le peintre doit trouver les lignes internes, les lignes de force, lélan général du paysage, mais, nous dit un auteur du XVIIIe siècle cité par Ryckmans: « il ne faut pas quil les exprime entièrement, il doit faire participer lesprit à la forme et laisser à deviner certains éléments sous-entendus.» Ce qui explique le caractère elliptique, fragmentaire, suggestif, virtuel même de la peinture chinoise, lartiste cultivant, dit François Cheng, «lart de ne pas tout montrer, afin de maintenir vivant le souffle et intact le mystère (8).» «Que le tout soit prolongé par lesprit», disait Pu Yen-tu, ceci sappliquant aussi bien au schématisme du trait quau vide dans la composition. Dans les plaques de marbre, auxquelles ils donnaient souvent la forme dun disque, symbole de lunivers, les Chinois retrouvaient les traces des forces telluriques, et celles-ci composaient des paysages qui en faisaient léquivalent de leur art. Les pierres de rêve leur présentaient, non pas des formes naïvement ressemblantes, mais les lignes de force même dun paysage tel quils cherchaient à le représenter eux-mêmes, avec, bien entendu, poussé à lextrême: le schématisme, lallusion, lellipse, le vide. Les artistes Ming et Qing héritiers des peintres Yuan, nous dit encore Ryckmans, «ont cultivé délibérément une sorte dirrésolution aristocratique, de détachement lointain pour laisser place à cette part dimprévisible et daccidentel dont lesprit, dans son libre vagabondage, fait ses plus rares délices.» On comprendra pourquoi les pierres de rêve sont aussi parfois nommées «pierres de voyage» Un beau jour, jai vu dans le sable une peinture chinoise. Et jai eu envie de les photographier. Flagrant délit d«artialisation», jen conviens et tire mon chapeau à Roger. Mais je préciserai que cette artialisation-là, au moins, ne me coupe pas du monde. Par la suite, suivant peut-être en cela lexemple des pierres de rêve, je me suis, avec le temps, orientée vers des formes de plus en plus épurées, de plus en plus «abstraites». Je pense à Klee voulant «remonter du modèle à la matrice» Dans un intéressant petit ouvrage(9) qui rend compte dun colloque avec des artistes et des scientifiques par lInstitut de pathologie cellulaire sous la direction de Jacques-Louis Binet, je lis, sous la plume de Jacques Mandelbrojt, peintre et physicien, ou linverse, que lart abstrait est «lexpression de la structuration intérieure du peintre, [ ] un autoportrait intérieur» Et un peu plus loin, Jean-Claude Pecker, peintre et astronome, ou linverse, nous dit que, pour le peintre, «il sagit de résoudre la réalité à ses structures essentielles», labstraction, elle, «se limitant aux structures, plus permanentes peut-être». Lart abstrait, expression des structures mentales de lartiste, ou exploration des structures du réel? Là encore, ils ont sans doute tous les deux raison. Cest exactement ce que pense René Huygue, dont le colloque en question avait pris le livre Formes et Forces comme base de discussions. Huyghe nous parle de «cette sorte de connivence entre les formes conçues par lesprit et celles qui expliquent lorganisation de la nature», dun «accord fondamental entre les formes requises par la pensée et les formes offertes par la réalité (10)». À la recherche, en quelque sorte, des formes essentielles, jai limpression, en ce qui me concerne, de trouver exactement ce que je désire voir dans les formes que je rencontre dans la nature. Cest elle qui me fournit les formes quil me faut. Collaboration, co-élaboration? «Naturel, dirait Caillois, pareille rencontre nest pas illusion. Elle témoigne que le tissu de lunivers est continu » Ce «tissu de lunivers» est, à mon sens, le véritable contexte de lart géopoétique. (1) Méduse
et Cie, Paris, Gallimard, 1960. Toutes les citations de Caillois sont
issues de cet ouvrage. |
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